A la dérive

Publié le par vince

Fear and Desire ( - Stanley Kubrick 1953)

 

 

 

 

       La dérive du scénario qui se base sur un apologue bien cerné identifiable par la voix-off du début laisserait supposer une action bien bouclée autour d'une avancée vers la rivière. Mais cette apparence est trompeuse car le scénario est en réalité à la dérive, accumulant les temps d'indécision, les rondes et les arrêts réflexifs autour de grandes questions à propos de la guerre et des comportements à adopter. De même, les personnages battent la campagne, se déplacent sans vraiment bouger et s'agitent vainement entre folie et résignation. Tout cela sent son théâtre d'avant-garde new-yorkais avec la référence à la "Tempête", la musique moderniste et la volonté permanente de faire du concis et de l'intelligent à partir de rien.

 

 La dérive des personnages d'une action à l'autre, d'une scène à l'autre sur une topographie qui refuse de se fixer et une action qui refuse de se réaliser (les ennemis ne sont vaincus qu'au dernier moment, les hésitations prennent la première place)) et la dérive des acteurs entre sur-jeu et sous-jeu est sans cesse papable comme en témoigne le jeu de Mazursky.

 

La volonté de la mise en scène est clairement de mettre de l'ordre là-dedans par le refus de développer une scène très longtemps et par le morcellement des scènes en très gros plans de visages et par l'adoption d'un montage de type soviétique isolant les détails lors des séquences d'action et favorisant une absence de fluidité dans les mouvements et leurs cadrages (les ennemis . C'est dans l'immobilisme préconisé par la mise en scène par rapport aux plans  qu'il faut chercher cette volonté d'aller à contre-courant de la dérive des autres éléments du film. Les plans sont ainsi rendus plus proches de la photographie bien composée. Mais une nouvelle dérive apparaît car ces outils de morcellement et d'immobilisme permettent justement malgré eux à la dérive de prospérer en empêchant les plans de se fixer et à l'action de se développer. La seule échappatoire à la dérive consiste à l'accepter en privilégiant la dimension ouvertement photographique comme point fort qui va se déployer idéalement autour de la figure de la rivière dans la brume.

 

 

 

 

 

 

 

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