Littéralement idiot

Publié le par vince

The Bible: In the Beginning ( - John Huston 1966)

 

 

 

 

 

Un parti-pris de littéralité domine dans le récit du début de la Bible. Ainsi une voix-off appliquée à Dieu raconte régulièrement ce qu'Il a fait à la troisième personne ou bien parle aux hommes directement. Les mots et les étapes sont respectés mais avec une coloration littéraire en ancien anglais qui rigidifie déjà les choses. La littéralité informe l'approche de toute la narration: les annonces des épisodes à venir, l'explicitation complète des personnages par eux-mêmes. D'où l'approche de très haut, de très loin des épisodes à illustrer par-dessus la jambe. Car Huston a manifestement peur de son projet qui l'embarrasse et ne le concerne pas. C'est Dino De Laurentiis qui mène la barque, le cinéaste étant celui qui délègue tout: les acteurs et les techniciens doivent faire passer la noblesse des grandes figures de la Genèse et le grandiose de l'entreprise. Huston est un malin: la noblesse (emphase) et la grandeur (démesure) passent très bien, trop bien car elles figent le film dans l'illustration plate. Cela donne raideur et automatisme dans le jeu et la narration. 

 

Il n'y a que des étapes obligées, pas d'action mais de la présentation rabâchée de problèmes dans différents épisodes à la fois abrégés et étirés (le pêché originel, la sauvagerie des hommes ne suivant pas Dieu, l'arche de Noé, l'hubris de Nemrod et l'obsession filiale d'Abraham). Il y a un aplatissement des figures, de la présentation des idées photographiques (la Création en partage de lumières et sculptures recouvertes de fumées, les clair-obscurs souvent très soignés presque partout), des idées de direction artistique à demi-exploitées (la tour de Babel, l'arche de Noé, les couloirs de Sodome) et du cadre immense à emplir (la pomme du jardin d'Eden, les mains de Noé dans son dos). C'est la recherche d'un film pouvant vivre sans intervention d'un point de vue, sans action. Un équivalent d'une exposition de tableaux en mouvements combinant le didactisme, le spectacle et l'inactivité du cinéaste permise par une forme de sabotage par la qualité photographique, l'obscurité du mouvement général (structure bancale en deux films avec le premier comme simple prologue). Le littéralisme est ainsi une arme d'anti-cinéma. Le film est raté dans les grandes largeurs car le projet n'inclut tout simplement pas le cinéma, n'en ayant pas besoin. Sauf pour quelques moments qui sont précisément ceux où l'action (donc la vie donc la vérité) est permise car elle est nécessaire: le Déluge qui est la partie la plus simple et la plus claire tout en incluant l'auto-sabotage de Huston où il se réserve le rôle d'un Noé bouffon faisant coucou aux animaux à l'arrivée, l'attaque nocturne conduite par Abraham filmée en très peu de plans et enfin le placement d'Isaac sur le bûcher.

 

"Au dernier jour de tournage, Huston avait terminé tout l'ouvrage qu'il n'avait pas fait et, dès le premier jour de tournage il chôma, après tout l'ouvrage qu'il n'avait pas fait"

 

 

 

 

 

 

 

 

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