"La fortune sourit aux audacieux"

Publié le par vince

Il figlio di Spartacus ( - Sergio Corbucci 1962)

 

 

 

"Un style cinématographique n'est pas un style pictural. C'est une certaine façon de faire APPARAITRE les choses. C'est la création d'un univers." (Alexandre Astruc, La Gazette du cinéma, n°1, mai 1950)

 

Ici l'audace est centrale. Le cinéaste est suffisamment à l'aise dans le péplum avec décor égyptien naturel et combats en corps-à-corps furieux, reconstitutions à l'emporte-pièce et langue souple pour ce permettre de fonctionner au culot et de réussir son film. Les relations entre les personnages sont toujours claires et la sympathie éprouvée à leur endroit ne fait jamais défaut. Le scénario agit comme un multiplicateur d'événements et de sensations en se basant à la fois sur la révolte, la mission diplomatique, la rivalité coloniale et la vengeance familiale. Avec ces bonnes bases, Corbucci est paré et peut y aller à fond de tous les côtés, transformant le scénario en histoire de de Zorro, renversant les cadres, décadrant les visages en amorce avec grande profondeur de champ, imposant des bruitages vigoureux dans les duels, revenant à quelques signes au graphisme percutant comme le "S" sur les murs, les peaux de léopard des méchants gardes, l'amulette et le casque de Spartacus et enfin d'extraordinaires idées de supplices (l'or avalé avec contre-plongée, l'homme jeté aux murènes en un travelling latéral, les trajectoires des javelots et les tentures lacérées…) et de décors symboliques (le temple du soleil). 

 

Tout peut respirer plein cadre: l'Histoire, la noblesse des sentiments, la brutalité graphique et photographique (le rouge vif des éclairages sur le bateau pris dans le brouillard, le village des esclaves incendié, les croix barrant le cadre ou soumettant  la vision en inversant le Christ de Dali). Ce qui peut s'épanouir c'est surtout la largeur des plages et des déserts, des palais (vision des deux côtés de la société de Crassius en tournant avec les personnages d'une terrasse à une autre) et des horizons aussi bien dans les dunes que sur les visages élargis par le Cinemascope. Il ne faudrait pas prendre ces largesses pour du spectacle. C'est bien de générosité dont il s'agit: gestes magnanimes, étendard humain d'un combat, une place pour chacun dans le cadre. C'est bien de cinéma qu'il s'agit, de plaisir à raconter en cadrages et à regarder évoluer dans un espace, d'une confiance dans la faculté des événements à se combiner à partir d'une impulsion de départ en deus ex machina (magnifique scène des naufragés sur la place = Ulysse et Nausicaa) et en une puissance libératrice des combats et d'une présence téméraire (force tranchante d'un visage carré comme celui de Steve Reeves, le Sphinx à l'arrière-plan, les yeux en amande de Gianna Maria Canale qui sait exister lorsqu'elle le doit, éléments qui déchirent l'espace tels javelots, tentes, cavaliers, croix, légions… Et après la fureur et le sang, Corbucci n'oublie pas les instants de noblesse apaisée: Canale abandonnée au désert, le fils de Spartacus et sa compagne dans les ruines du temple à la fin …

 

 

 

 

 

 

 

 

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