Le demi-crétin

Publié le par vince

W. ( - Oliver Stone 2008)

 

 

 

 

 

 

La division générale en deux est correcte (le film gagne du temps en sachant sélectionner ce dont il a besoin dans la vie et la carrière du personnage et avance bien quoique sans surprises dans ses sauts de cinq ans - un certain automatisme apparait, pas déplaisant d'ailleurs par son apport de rigueur) mais pas assez de contacts entre drame psychologique (alcoolique repenti, fils à papa ambitieux par défaut avec force grimaces et débordements de bizutage ou de beuveries quoique toujours contenus par une approche relativement sobre de la photographie et du jeu d'acteur) et drame politique (discussions de la "war room" en 2002 exposées sans relief en se couvrant beaucoup pour le montage et par les dialogues qui tiennent trop de l'exposé géopolitique de base avec powerpoint etc.). 

 

La réduction à la farce est à double tranchant: une prise de recul salutaire avec brouillage du portrait de Bush (la rencontre avec sa femme qui le voit radouci, la tentation baroque d'en faire un mystique par le rêve de gloire au baseball et l'illumination dans l'effondrement un halo autour de la tête ou en raccordant son regard à celui du Christ, un pantin ridicule de sa famille et de ses conseillers, est louable car elle dynamise l'ensemble et bouscule l'acteur). Mais le recul critique attendu du projet et de Stone (distorsions graphiques, musique ironique et jeu appliqué de Josh Brolin véhiculent peut-être malgré eux l'image commune anti-W élaborée d'après les ennemis politiques institués et les réactions mondiales qu'elles ont suscité: stupidité, manichéisme, conservatisme, défiance de ultra-libéralisme exacerbé… toutes ces caractéristiques se voient toutes illustrées ou suggérées par une imagerie volontairement outrancière mais plutôt moche et irrespectueuse autour des bouteilles d'alcool bues au goulot et des mastications bruyantes de Bush, des oripeaux officiels et du folklore de la haute société texane).

 

 Dès lors règne la confusion (voisine de celle de W. dans la première partie du film qui entraîne la caméra avec lui dans ses virées insensées aux quatre coins du temps). Il y a un attachement grandissant au personnage comme manipulé qui devient progressivement touchant (le potentiel de charme et de conviction du personnage et de l'acteur ne son jamais ignorés). On voit aussi de bonnes intuitions politiques (l'utilisation du discours de Cheney pour désigner les fondements de la politique de Bush, la suggestion d'un pouvoir occulte autour des services secrets…) qui sont aussi des idées de cinéma (la concentration sur le décor et l'utilisation astucieuses des images d'archives sur l'Irak qui sait ne pas trop en montrer). Ces intuitions produisent au moins un moment vrai (le discours au Sénat et le discours annexe de Powell avec le contre-champs sur le prompteur et la salle des vrais politiciens qui disent très clairement que cette sinistre farce n'a pas de contre-champ possible: les acteurs et le spectacle sont des deux côtés, autant dans la réalité que dans la fiction - John Kerry et Hilary Clinton sont bien identifiables mais le problème n'est pas qu'individuel concernant ces exécutants). S'en suit un sentiment diffus (confus ?) de douleur devant le groupe de bouffons dangereux (douleur pour eux ? douleur pour les conséquences graves du jeu aveugle ? douleur devant l'absurdité . 

 

 

Seulement le film se voit obligé de ne pas aller très loin dans la contestation et même de faire marche arrière sur quelques points, frilosités de scénario avant tout (auto-censure probablement, également en ce qui concerne le potentiel romanesque du personnage). Restons sérieux, on parle d'un président des USA, d'une figures historiques et d'enjeux encore brûlants. Il ne faut donc pas accabler complètement les personnages, ménager une porte de sortie sur le 9/11 (impossible de questionner le bien-fondé de l'Afghanistan car Obama aura a s'en occuper) et désigner bien clairement l'Irak et toute la politique de Bush comme un fiasco, le résultat de mauvaises  avec des responsables identifiables (le risible petit employé des services secrets sorti de nulle part à la fin). Il ne saut surtout pas penser que cette guerre soit potentiellement une opération plus machiavélique. D'où le recours aux justifications psychologiques…

 

Le récit est ainsi une grande opération de rachat dramatique et moral qui feint de poser une question historique alors qu'elle n'est que la continuation par des voies détournées. Il faut charger Bush ou tenter de le réhabiliter en superficie pour ne pas avoir à le dévoiler: W. présenté comme grossier et faible puis de bonne foi dans son manichéisme pour ne pas avoir à le montrer calculateur, froid ou malfaisant ni non plus complexe ou ambivalent. L'ensemble politique et social de l'ère Bush est dépeint avec finalement beaucoup de bienveillance (le parti-pris de présenter W. comme un faible de bonne foi, les intentions nobles et rigueur dévoyées prêtées à Bush père sous les traits "durs mais justes" de James Cromwell et à Colin Powell qui pourraient être les mécènes du film).

 

 

 

 

 

W.

 

 

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