"Mes frères, mormonons !"

Publié le par vince

Brigham Young ( - Henry Hathaway 1940)

 

 

 

 

 

 

 

Le point de vue est celui d'un mormon en pleine guerre de religions, un homme paisible forcé d'être combatif. Le film est une réponse exaltée et furieuse aux persécutions subies/attribuées aux mormons. Il est question de la fondation d'une société sur un sol, pas à pas (gestion des enfants, avancée sans relâche). C'est le mouvement d'une pensée et d'une foi avec celui des générations et des saisons, des mariages et  des récoltes (la hantise de l'arrêt revient sans cesse).

 

C'est le parti-pris de portraits directs et vivants (acteurs dirigés vers la conviction, l'expression d'une foi indéfectible et des réactions d'orgueil ou de survie - le personnage de Tyrone Power est un convaincu et un soutien permanent pour Brigham Young, placé de dos alors que Power prend souvent une seconde place dans les compositions, à la périphérie du cadre). L'instinct de procréation est essentiel, les voix sont alternativement feutrées, abîmées ou pleines de force et d'entrain. L'adhésion est recherchée par l'accompagnement musical: il faut se croire mormon le temps du film, assister aux discours des chefs aux premières loges, accompagner le chemin de croix de la caravane, croire puis douter puis croire à nouveau.

 

La violence appelle la violence ou la force. La conviction des discours est celle du style: les plans découlent d'une représentation sans trêves ni fatigue qui cherche à tout couvrir sur le même tempo (héros et figurants, assassinats et miracles, nature et métaphysique - un criquet et une nuée de mouettes). Les figures de chefs importantes : c'est leur vision qui est perpétrée et perpétuée par les personnages et par le film. Ils parlent avec Dieu en familiers. Le film manifeste leur prédestination plus qu'une vérité historique ou une simple parabole biblique (références à Moïse etc…) - le paysage de la vallée promise est présenté comme une révélation qui de spirituelle se fait physique (panoramique lent accompagnant Brigham Young).

 

Les hommes sont à côté de la violence de la nature: sortent de la boue, se comportent comme des chasseurs ou des loups, avancent sur la glace et le sable, pataugent et meurent, sont transis et trempés. La nature est vue comme une preuve de l'existence de Dieu:  la scène-clé du flash-back sur Joseph Smith parlant de sa religion tout en coupant du bois, l'insertion toujours attentive des personnages et des corps dans un environnement: devant le ciel ou sur un fond de nuit, à côtés d'arbres ou dans les flaques. Les gestes de ces hommes sont experts ou du moins convaincus (convaincre un auditoire, cercler une roue, manier un chariot, assommer ou mettre le feu) manifestes d'une lutte permanente contre l'anéantissement: l'incendie de la ville, la rivière gelée.

 

Tant que ces hommes parcourent le paysage ou le revendiquent ils peuvent vivre. L'opposé est la faillite de la volonté, celle représentée par la non-mormone (Linda Darnell qui retire le soleil de la vie de la petite fille) qui cède à la malnutrition alors que la subsistance et l'instinct de conservation sont les vertus cardinales des mormons (Power et Darnell vus pour la première fois en train de faire du popcorn). Il ne faut pas se laisser aller à l'hiver, la promesse du printemps est très importante (Jane Darwell mourante dit à Darnell de la quitter pour profiter du printemps). Ils faut des gestes et postures fiers, révoltés pour affirmer et illustrer le droit de la liberté de culte en étant ensemble comme  un plaidoyer (fléau surmonté, lignes de chariots maintenues, traîtrises matées…).

 

 

 

 

 

 

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